Les bateliers de l'histoire

C'est dans les bureaux mêmes du Kremlin que, fonctionnaire des Affaires étrangères soviétiques, Egor Bardine a vécu les tentatives d'accord entre Hitler et Staline suivies de l'invasion-surprise de la Russie et de la contre-offensive ripostant à l'occupation allemande de Stalingrad. Tout le détail des opérations est si exactement restitué qu'on se prend à penser que le héros de ce grand roman historique pourrait en être l'auteur. Egor Bardine a négocié avec l'Angleterre et les États-Unis dans l'État-Major de Staline.
Bardine se doute-t-il des drames qui toucheront les siens? Le souffle de la guerre va bouleverser, diviser et disperser la dynastie des Bardine. Son père, né avant la Révolution de 1917, n'attend rien du communisme – même en ce temps de guerre – qui a, selon lui, détruit l'âge d'or et la Sainte âme de son pays. Serge, le petit-fils, gueule cassée, trop jeune sur le front, ne comprend rien au métier de son père, diplomate et «batelier de l'histoire». Il faut dire que la guerre vous prend tout : Egor Bardine n'aura pas le temps d'assister à la mort de sa femme, déjà Olga, sa belle-sœur, laisse éclater sa passion sauvage pour lui.
Un moment étouffé sous la guerre civile, l'amour irraisonné de la Russie éternelle se portera vers les héros de la nouvelle Russie, les sauveurs de la patrie.
Sur les épaules d'Egor Bardine repose le poids du labeur ingrat, lourd et sacré des «bateliers de l'histoire», hâlant la barge enlisée, dégageant le lit, ouvrant de toutes leurs forces la voie au fleuve de la paix et de la vie.