Feu nos maîtres

L'auteur, remué dans sa vie, comme chacun de nous, par les six chefs dont la politique a mené le monde, estime aussi qu'ils sont assez présents et assez absents pour avoir désormais leur point de perspective. On connaît à de nombreux signes que l'heure est venue d'en parler avec une justesse qui ne soit pas neutre, et avec une chaleur qui ne soit pas injuste.
Or les historiens de profession nous ont peut-être gâté l'histoire. Faute de feu dans l'âme et de couleur dans le pinceau, ils ne songent guère à nous peindre les grands personnages qu'aplatissent des monceaux d'archives. Il faut être Tacite ou Michelet pour digérer l'érudition. Ce livre est l'ouvrage d'un écrivain à qui les Mémoires de Saint-Simon ont donné des yeux. Il s'agissait ici, pour voir et pour faire voir, d'arracher au tableau les étiquettes et le jargon. La vérité, comme les marmottes, s'engraisse de jeûnes.
S'il est des lecteurs pour penser qu'on ne saurait renfermer dans quelque vingt pages un Hitler ou un Churchill, un Charles de Gaulle ou un Roosevelt, qu'ils veuillent bien considérer que le travers des relateurs est tout au contraire, en matière d'affaires publiques ou de littérature, d'assigner une place trop belle aux contemporains. La postérité ne jugera pas des cendres d'après la fumée.